« Une paix accélérée profite à l’Occident. Je dois dire d’emblée que la paix est également bénéfique pour Moscou, mais pas au prix de son éviction des processus de règlement. La Russie insiste donc pour qu’un document officiel couronne le processus de compromis et ne le précède pas », publie Sergei Markedonov.

Le 18 avril 2023, le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan fait la une des journaux. Le chef du gouvernement arménien a déclaré : « Un accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan est réaliste si les deux pays reconnaissent clairement, sans ambiguïté ni subterfuge, l’intégrité territoriale de l’autre et s’engagent à ne pas présenter de revendications territoriales l’un envers l’autre aujourd’hui et pour toujours », publie sur Telegram Sergei Markedonov, analyste à l’Institut d’études internationales de l’Institut d’État de Moscou des relations internationales du ministère russe des Affaires étrangères (MGIMO). Il convient de rappeler qu’à l’époque soviétique, la région autonome du Haut-Karabagh ne faisait pas partie de la République socialiste soviétique d’Arménie. Toutes les décisions prises par les autorités arméniennes à la fin de l’Union soviétique sur le statut de l’Oblast autonome du Haut-Karabagh n’ont pas été reconnues par les autorités soviétiques (il est compréhensible que les dirigeants de la RSS d’Arménie n’aient pas soutenu le “miatsum” par définition).

« La nouvelle est présentée comme une sensation. Il convient toutefois de rappeler qu’il y a exactement un an, le Premier ministre arménien s’était déjà exprimé devant l’Assemblée nationale de son pays sur la nécessité d’”abaisser le niveau d’exigence” à l’égard de l’Artsakh. Son discours a suscité une vague de protestations de la part de l’opposition, qui s’est toutefois évanouie dans le sable. Mais les raisons de cette évolution sont une autre histoire. Puis, après l’escalade de septembre 2022, il s’est déclaré prêt à « prendre des décisions difficiles pour garantir la sécurité, la stabilité et la paix à long terme ». Même si « cette solution garantira la paix et la sécurité à long terme pour l’Arménie, dont le territoire s’étend sur 29 800 kilomètres carrés (territoire de la RSS d’Arménie) ». Lors d’une conférence de presse conjointe avec Emmanuel Macron, président français Pashinyan a déclaré : « Un accord doit être conclu sur la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan avec une reconnaissance mutuelle des frontières confirmées par l’accord du 8 décembre 1991 (Accord de Belovezhskaya) ». Par ailleurs, la “formule d’Alma-Ata” a également été consacrée lors de la réunion de Prague en octobre 2022. Pashinyan n’a donc rien révélé de fondamentalement nouveau », publie l’expert russe.

« Mais quelles sont les nuances ? Le Premier ministre arménien parle toujours de l’intégrité territoriale non seulement de l’Azerbaïdjan, mais aussi de l’Arménie. Et cette question n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air, comme le montrent les histoires qui surgissent de temps à autre à Syunik, Gegharkunik et Tavush. Il n’y a pas que le Haut-Karabagh, comme on dit. La question de la démarcation et de la délimitation n’est pas moins complexe que celle du statut du Haut-Karabagh. Erevan a toujours la possibilité de souligner que Bakou n’est pas prêt à soutenir l’intégrité territoriale arménienne strictement à l’intérieur des frontières de la RSS d’Arménie », explique Markedonov.

« J’ajouterais également que Pashinyan, comme personne d’autre en Arménie, sait comment changer ses positions. Toute personne intéressée peut lire le programme préélectoral de l’ Accord civique (2021), qui comprend, par exemple : « L’une des priorités de l’Arménie dans le processus de négociation sera la désoccupation des territoires sur lesquels le peuple de l’Artsakh s’est autodéterminé… ». Il s’avère que les gens n’ont pas du tout voté pour ce que le Premier ministre a proclamé par la suite. Vous me direz, mais c’est lui qui a changé de position sous la pression de Bakou. C’est vrai, mais en 2018-2019, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il est passé du statut de “colombe de la paix” à celui de faucon (souvenez-vous de sa célèbre métaphore : « L’Artsakh, c’est l’Arménie, point final ! »). En d’autres termes, la trajectoire du Premier ministre au sujet du Karabagh est une onde sinusoïdale, et non une règle », écrit l’expert et affirme qu’il ne s’agit pas seulement de Pashinyan. Les sondages d’opinion en Arménie montrent que l’idée d’un transfert du Haut-Karabagh sous souveraineté azérie n’est pas populaire dans la société. Cependant, il y a une grande distance entre la formulation d’une position et la volonté de la défendre, comme l’ont montré les vagues de protestation de 2020-2022, qui ont échoué à plusieurs reprises.
« Dernier point (dans l’ordre, mais pas en importance), dit-il. Une paix accélérée profite à l’Occident. Je dois dire d’emblée que la paix est également bénéfique pour Moscou, mais pas au prix de son éviction des processus de règlement. La Russie insiste donc pour qu’un document officiel couronne le processus de compromis et ne le précède pas. »

Photo frontalière de Rasmus Canbäck du blankspot.se

Source principale : t.me