– M. Ishkhanyan, pouvons-nous parler aujourd’hui de la nécessité d’entamer une lutte de libération nationale même en dépit de l’existence d’un État ?
Aujourd’hui, le statut d’État de l’Arménie est purement formel. Certes, formellement, l’Arménie est un État membre de l’ONU, ainsi que d’autres structures internationales, le Conseil de l’Europe, l’OSCE, mais en réalité, depuis le 9 novembre 2020 et en particulier depuis le 20 juin 2021, l’Arménie a perdu sa crédibilité auprès de tous les pays et de toutes les organisations internationales. Tous les pays méprisent l’Arménie, voire le peuple arménien dans son ensemble, non pas tant pour sa défaite, mais après une défaite, pour avoir toléré un gouvernement responsable de cette même défaite. Aujourd’hui, l’Arménie, en tant qu’État, ne survit que grâce à la coïncidence des intérêts d’autres pays. Mais cela ne pourra pas durer longtemps, à moins qu’il n’y ait un changement de gouvernement en Arménie dans un avenir proche. Et, oui, ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est d’une lutte de libération nationale… ne soyez pas surpris, cette fois contre le gouvernement arménien, au nom de l’État arménien.Dans le contexte géopolitique actuel, comment le peuple arménien peut-il faire valoir ses intérêts nationaux ?
– L’humanité est au bord de la troisième guerre mondiale, si ce n’est déjà le cas. Et comme lors de la Première Guerre mondiale, le peuple arménien est aujourd’hui confronté à la déportation et, je me garderai bien de le dire, au génocide. Je pense tout d’abord à l’Artsakh, puis à la République d’Arménie. Alors que pendant la Première Guerre mondiale, nous étions une nation sans État et à proprement parler, peu dépendants de nous, aujourd’hui, avec un État, non seulement nous ne neutralisons pas les dangers, mais nous facilitons également la tâche des autorités arméniennes par nos politiques incompétentes ou, plus vraisemblablement, traîtres. De nombreux faits en témoignent, comme la déclaration des autorités arméniennes sur la reconnaissance de l’Artsakh comme territoire azerbaïdjanais. Par conséquent, en cas de nouvelle tragédie, il faut cesser de chercher des coupables à l’extérieur. Dans cette situation géopolitique difficile, au lieu de renforcer les relations militaires et politiques avec ses alliés, de gagner de nouveaux alliés, je veux parler de l’Iran, le gouvernement a fait le contraire en s’opposant à la Russie et en comptant sur la bonne volonté de la Turquie et de l’Azerbaïdjan. Une fois de plus, la question se pose : espoir ou conspiration avec des ennemis de toujours ? Ainsi, le gouvernement arménien actuel ne se préoccupe pas de nos intérêts nationaux et de notre sécurité, mais répond à toutes les demandes de nos ennemis, la question est de savoir pourquoi… Je reviens donc à votre première question. Afin de protéger nos intérêts nationaux, le gouvernement actuel doit être démis de ses fonctions dès que possible.
– M. Ishkhanyan, selon vous, quelle nouvelle stratégie et quelle nouvelle tactique devraient être développées pour que le peuple arménien puisse mener sa lutte ?
La réponse à cette question sera très complète. Je vais essayer de résumer ma pensée. Après l’éventuel changement de pouvoir, le nouveau gouvernement se verra léguer un héritage terriblement compliqué qui ne justifiera absolument aucune de ses omissions, parce que, sachant tout cela, il en assumera la responsabilité. Tout d’abord, le nouveau gouvernement doit renoncer à tous les privilèges de l’État : hôtels particuliers, nombreux gardes du corps, voitures officielles, voire autres, et, comme on dit, il doit travailler jour et nuit à corps perdu. Établir rapidement des relations avec la Russie et l’Iran, en devenant non pas un vassal, mais un allié fiable. Restaurer immédiatement l’armée arménienne en ramenant des officiers expérimentés.
Parallèlement, il est nécessaire d’organiser des conseils professionnels de différents secteurs en Arménie et dans la diaspora, et d’élaborer un plan stratégique national. Ce plan devrait inclure le système étatique, ainsi que les secteurs éducatif, culturel, économique, militaire, militaro-industriel et autres. Il s’agit de veiller à ce que l’État arménien ne soit plus menacé et à ce que des voyous ignorants, sans vision, hostiles à la nation, n’accèdent pas au pouvoir. L’Arménie doit être un État strict et légal, doté de lois nationales. J’ai mes propres idées sur le système étatique et le système éducatif.
– Pensez-vous qu’il soit possible de mettre en œuvre l’idée d’une nation-armée dans notre réalité ?
À mon avis, dans notre région, sans un véritable concept nation-armée, il n’est pas possible non seulement de devenir un État fort, mais même de survivre. Le concept de la nation-armée devrait devenir l’une des questions clés de la stratégie nationale. Servir dans l’armée devrait être non seulement un devoir pour chaque citoyen, mais aussi une question d’honneur. Il doit régner en Arménie une atmosphère telle que même ceux qui sont légalement exemptés du service militaire ne se sentent pas à l’aise dans leur environnement. Ceux qui n’ont pas servi dans l’armée devraient oublier complètement le service public. Le service militaire devrait être organisé de manière à ce qu’il ne devienne pas une perte insensée d’années, et des mécanismes devraient être mis en place pour que le jeune homme servant dans l’armée soit également éduqué en conséquence.
L’expérience de la Suisse, d’Israël et de Singapour peut être utilisée à cet égard.
Si nous avons une armée forte, nous aurons aussi des alliés fiables, mais nous ne compterons pas uniquement sur leur soutien. Sinon, comme nous l’avons fait pendant des siècles, nous chercherons des protecteurs, que nous accuserons ensuite de nous avoir trahis, et nous essaierons de trouver de nouveaux protecteurs « meilleurs, plus gentils, aimant davantage les Arméniens ».
Source principale : yerkir.am