
Un rassemblement annuel organisé par la FRA Nor Seround a eu lieu 15 mars dernier dans le quartier de Beaumont à Marseille, pour marquer le 104e anniversaire de l’acte de justice accompli par Soghomon Tehlirian. La cérémonie a été honorée par la présence de la sénatrice française Valérie Boyer, qui a pris la parole en mémoire de Tehlirian, en soulignant que la diversité culturelle de cette région du monde est en péril : « Chaque jour, elle est attaquée, bafouée, niée. Et aujourd’hui, comment ne pas penser aux otages arméniens, injustement emprisonnés dans les geôles de Bakou ? Comment ne pas évoquer leur sort, eux qui ont été lâchement abandonnés par ceux qui, hier encore, se présentaient comme les alliés et les protecteurs de l’Artsakh ?
Je pense, bien sûr, aux plus connus d’entre eux, et notamment à Ruben Vardanyan, dont le visage émacié témoigne du calvaire qu’il endure. Aujourd’hui marque son 23ᵉ jour de grève de la faim. Mais il n’est pas seul. Derrière lui, il y a tant d’autres prisonniers, des hommes qui ont donné leur vie pour défendre leur terre, leur identité, leur dignité. Je ne citerai pas tous leurs noms, mais je veux rendre hommage à chacun d’entre eux, à ces héros que j’ai eu l’honneur de rencontrer en Artsakh. Ils sont la voix d’un peuple, la mémoire d’une nation, le symbole de la résistance face à l’injustice.
Et parmi eux, comment ne pas avoir une pensée particulière pour David Babayan, pour Bako Sahakyan, pour tous ceux que nous avons vus lors de ces simulacres de procès ? Déjà affaiblis avant leur arrestation, ils sont aujourd’hui méconnaissables, amaigris, brisés par la violence et l’injustice. Que dire des conditions ignobles de leur détention ? Que dire de ces procès qui rappellent les heures les plus sombres du stalinisme ? Oui, pendant que certains signent des accords, d’autres subissent l’arbitraire et l’oppression.
C’est pour cela que je suis ici aujourd’hui. Parce que, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, j’ai toujours porté la voix de la justice et de la reconnaissance. Mais nous devons le dire avec force : année après année, les difficultés se multiplient, les massacres se poursuivent, et l’oubli menace. Pourtant, ici, en France, dans ce pays qui a accueilli les Arméniens avec fraternité, nous avons un devoir sacré : être les vigiles de la mémoire, les témoins de l’Histoire, les gardiens de la vérité.
Car il faut le rappeler à nos démocraties occidentales : depuis 1915, le crime n’a jamais cessé. L’extermination, la déportation, la destruction culturelle, l’oppression… tout cela se perpétue dans l’indifférence complice de la communauté internationale. Et aujourd’hui encore, alors que l’on parle d’accords et de négociations, comment peut-on imaginer la paix quand un peuple entier est pris en otage ? Comment peut-on parler de dialogue quand la menace pèse sur chaque parole, sur chaque existence ? Comment négocier quand l’ennemi pointe un revolver sur votre tempe ?
Face à nous se dresse un bloc, une puissance turco-azérie forte de cent millions d’hommes, appuyée par des milliards issus des hydrocarbures, soutenue par des réseaux d’influence et de corruption qui gangrènent jusqu’aux plus hautes institutions internationales. Nous le voyons bien, notamment à l’OSCE : l’entrisme des autorités azerbaïdjanaises est une réalité indéniable. Mais malgré cela, nous sommes là. Vous êtes là. Vous portez haut la flamme de la justice et de la vérité. Vous témoignez, envers et contre tout. Et pour cela, je vous rends hommage.
Grâce à vous, grâce aux institutions formidables comme Hamaskaïne, grâce aux scouts, grâce à la mémoire familiale, la vérité ne disparaîtra pas. Car la justice ne se quémande pas, elle se mérite. Et nous la devons à nos ancêtres, à ces hommes et ces femmes qui ont souffert et combattu. Mais nous vous la devons aussi, à vous, aux générations futures. Car il n’y a pas de démocratie sans justice, il n’y a pas de liberté sans mémoire. Cette flamme que nous portons, elle ne doit jamais s’éteindre.
Alors oui, nous continuerons. Ensemble, nous poursuivrons ce combat. Ensemble, nous ferons entendre cette voix que certains voudraient faire taire. »
Chris Tchopourian a prononcé un discours au nom du comité “Hraïr Maroukhian” de la FRA dachnaktsoutioun Marseille : « Nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage à Soghomon Tehlirian et à sa “mission spéciale”, ce héros qui a assassiné Talat Pacha à Berlin le 15 mars 1921, alors que le monde était resté silencieux face au génocide des Arméniens. Un million et demi d’Arméniens ont été massacrés, crucifiés, torturés, et le monde est resté silencieux jusqu’à l’arrivée de la main de Soghomon Tehlirian, qui a démoli ce “mur du silence”.
« Le Dachnaktsoutioun a tenu une réunion… » et a décidé de confier à Tehlirian cette “mission spéciale”, qui a vengé le peuple arménien après 6 ans, alors que le monde changeait et que chacun courait après ses intérêts politiques, oubliant les droits de l’homme et les droits des Arméniens de vivre librement et indépendamment sur leurs terres. Comme l’a dit Tehlirian : « J’ai tué un homme, mais je ne suis pas un assassin. » À l’époque, ils ont essayé de faire de Soghomon Tehlirian un criminel, comme ils essayent aujourd’hui de criminaliser la FRA en disant : la FRA n’est pas aimée, juste parce que nous protégeons les droits des Arméniens et parce que nous ne suivons pas la tendance et la vague internationale. Même à cette époque, de nombreuses personnes étaient contre Tehlirian et l’ont qualifié de criminel, même si plusieurs années plus tard, elles ont été fières de lui et ont fait de lui leur héros. Oui, nous sommes peut-être fous. Nous sommes toujours une Fédération révolutionnaire arménienne, car le révolutionnisme n’est pas conçu pour tout le monde. Ils suivent le courant, tout comme le gouvernement arménien actuel, et nous restons des révolutionnaires dans l’esprit de Tehlirian. Aujourd’hui, non seulement nous rendons hommage à Soghomon Tehlirian et à sa “mission spéciale”, mais nous rappelons également au monde entier l’esprit de Tehlirian. Oui, les moyens ont changé, mais l’esprit restera le même. Peut-être que les ennemis et malheureusement les traîtres marionnettes sont tranquilles, le siècle a changé et les moyens ne sont plus les mêmes, mais il est de notre devoir de leur rappeler chaque jour que l’esprit de Tehlirian est toujours parmi nous, il est de notre devoir de leur rappeler chaque jour qu’ils restent petits dans le jeu des nations, et le jour viendra et cette pierre tombera tout comme des pierres tombent aujourd’hui… Ces marionnettes qui ont trahi la nation et la patrie arméniennes pensaient qu’elles gouverneraient le monde. Ils ont vendu l’Artsakh, participé au déplacement forcé de 120 000 personnes, serré la main de l’ennemi, reçu la presse turque et, hier encore, ils ont signé le traité de paix avec l’ennemi… le jour viendra pour eux aussi, mes amis. Nous ne suivons pas la vague et le courant. Nous défendons et protégeons les droits des Arméniens. Et nous restons la Fédération révolutionnaire arménienne ».
Il est à noter que l’idée du monument dédié à Soghomon Tehlirian appartient Ohan Hékimian, qui a également offert la statue à la ville de Marseille. Le buste a été inauguré le 15 mars 2024, à quelques pas de l’église arménienne apostolique arménienne Saint Grégoire l’Illuminateur, située dans le quartier de Beaumont, sur la place Louis Pastor.
Source principale : yerkir.am