
Le 21 octobre 2025, Sa Sainteté Karekin II, Catholicos suprême de tous les Arméniens, a prononcé la déchéance ecclésiastique du père Aram Asatryan, désormais identifié sous son nom civil, Stepan Asatryan. La décision, prise sur proposition de l’archevêque du diocèse d’Aragatsotn et après consultation de la commission des distinctions et de la discipline du Saint-Siège de Saint-Étchmiadzine, énumère plusieurs manquements :
- des déclarations publiques ternissant l’image de l’Église, du primat diocésain et de ses confrères dans le clergé ;
- une attitude jugée contraire à la discipline ecclésiastique malgré des avertissements répétés ;
- l’omission répétée, lors de la célébration de la messe, de mentionner les noms du Catholicos et du primat diocésain, interprétée comme une rupture volontaire avec la hiérarchie ;
- et un refus répété de comparaître devant la commission disciplinaire, violant ainsi le serment d’obéissance.
Dès lors, le père Aram Asatryan est considéré comme laïc et ne peut plus accomplir aucun sacrement, y compris la liturgie, le baptême, le mariage et la communion.
Il convient de rappeler qu’en septembre dernier, le diocèse d’Aragatsotn avait publié une clarification sur le cas du père Aram Asatran, affirmant que ce scandale avait débuté par une déformation de l’ordre rituel et l’arbitraire dont avait fait preuve le prêtre lors d’une cérémonie de baptême. Ledit père Aram avait reçu une réprimande disciplinaire de la part du primat du diocèse. Le prêtre a accepté et suivi les instructions du primat et continue d’exercer son ministère à Hovhannavank. C’est alors que le père Aram a lancé ses célèbres publications.
Cette décision a suscité un retentissement important. Dans un entretien, le père Aram a déclaré qu’il ne reconnaît pas la décision de la commission disciplinaire, soulignant qu’il n’a jamais été officiellement sanctionné et que ses convocations à comparaître sont restées sans réponse. La situation a été aggravée par l’annonce de la participation du Premier ministre Nikol Pashinyan à une liturgie célébrée par le père Aram à Surb Hovhannavank (monastère Saint-Jean), perçue par certains analystes comme un soutien à des actions en violation des normes canoniques. Vladimir Martirosyan, politologue, a rappelé qu’un prêtre dépourvu de sacerdoce ne peut valablement effectuer de sacrements, et qu’une participation politique à de tels rites pourrait constituer un soutien à une action visant à diviser l’Église.
« En réalité, Pashinyan, qui a annoncé sa participation à la liturgie du monastère Saint-Jean (Surb Hovhannavank), non seulement y participe, mais encourage et parraine également une action de division en totale contradiction avec l’ordre théologique et canonique de l’Église apostolique arménienne, un événement clairement sectaire. Cette campagne anti-Église, qui dure depuis longtemps, prend les contours de son objectif final », signale Vladimir Martirosyan.
« La première série de propositions, portant sur la question de la procréation et du célibat, a échoué, a échoué, a échoué. La deuxième série de propositions, portant sur le lien et l’association avec l’Église apostolique arménienne et le « Kremlin », a échoué… Dans la troisième série, il n’y a plus de raison ni de possibilité de dissimuler quoi que ce soit, et tout se fait ouvertement, clairement et sans dissimulation. La scission, le sabotage et la faillite de l’Église apostolique arménienne constituent un problème politique ouvert qui doit être résolu conformément à l’engagement », dit-il et ajoute :
« Tous les Arméniens et les fidèles de l’Église apostolique arménienne qui participeront à cette liturgie, ou au couronnement, au baptême célébré par le diacre, doivent clairement comprendre qu’ils ne participent plus à un événement célébré par un diacre sectaire, sans aucun lien avec l’Église apostolique arménienne. »
Vladimir Martirosyan, politologue
Parallèlement, le 16 octobre, l’avocate Armine Fanyan a dénoncé les conditions de détention de l’évêque de l’éparchie d’Aragatsotn, Mgr Mkrtych Proshyan, ainsi que l’arrestation de prêtres et de personnels administratifs, dont le père Garegin Arsenyan, sans accès à un avocat. Ces mesures faisaient suite à une interview donnée par le père Aram, évoquant la « participation forcée du clergé aux manifestations de l’opposition en 2021 ».
Mgr Proshyan a été placé en détention provisoire pour deux mois par le tribunal de première instance d’Erevan, présidé par le juge Karen Farkhoyan, pour avoir prétendument contraint le clergé à voter pour un candidat spécifique lors des élections de 2021. D’autres arrestations ont concerné le prêtre de l’église Surb Gevorg à Mughni et plusieurs employés administratifs. Le Saint-Siège a dénoncé ces mesures comme une « campagne anti-Église » visant à affaiblir l’autorité ecclésiastique et instaurer un climat de peur parmi le clergé et les fidèles.
L’ampleur de l’enquête, avec 54 enquêteurs mobilisés pour le dossier de Mgr Proshyan, illustre la disproportion des moyens et la politisation manifeste du processus judiciaire. Les perquisitions dans les domiciles des prêtres et les bureaux de l’éparchie, le secret sur la localisation des détenus et l’application de mesures coercitives injustifiées rappellent des méthodes autoritaires et violent les normes d’un État de droit garantissant la liberté religieuse et l’autonomie de l’Église.
Le clergé de l’éparchie arménienne de France, sous la conduite de son archevêque, a exprimé sa vive inquiétude face aux actions des forces de l’ordre les 15 et 16 octobre, condamnant notamment les écoutes téléphoniques illégales, l’ouverture de dossiers pénaux contre le Catholicos, les perquisitions et les arrestations de Mgr Proshyan et du père Arsenyan. Les fidèles sont appelés à rester unis et à soutenir l’autorité légitime de l’Église.
L’ancien défenseur des droits de l’homme Arman Tatoyan a dénoncé l’ouverture d’une procédure pénale contre le Catholicos à des fins politiques, affirmant que l’usage des institutions judiciaires et policières servait des manœuvres politiques étroites, avec exploitation médiatique de contenus enregistrés illégalement.
Arman Tatoyan écrit sur Facebook :
« Le but ultime du “jeu” lancé par le chef du gouvernement de la République d’Arménie contre la Sainte Église apostolique arménienne est, par essence, dirigé contre le christianisme. Cela dépasse le cadre des personnalités ecclésiastiques et a déjà dépassé le niveau de l’Église arménienne. Peu importent les efforts du chef du Parti communiste et de ses députés pour convaincre du contraire, la situation est claire comme de l’eau de roche. L’analyse de la situation et des sources publiques montre que cette campagne contre l’Église s’inscrit dans le cadre du programme d’occupation de l’Arménie par l’État azerbaïdjanais. Il faut donc chercher les véritables motivations de cette campagne. L’Église apostolique arménienne est le dernier pilier des Arméniens que l’Azerbaïdjan doit détruire pour faire avancer son plan d’occupation de l’“Azerbaïdjan occidental”, qui suppose non seulement que le territoire arménien soit “azerbaïdjanais”, mais aussi que « des centaines de milliers de soi-disant réfugiés s’installent en Arménie ». Il s’agit en réalité d’un plan de l’État azerbaïdjanais visant à occuper l’Arménie sous couvert humanitaire. C’est dans ce contexte que le président du Bureau des musulmans du Caucase, Allahshukur Pashazadeh, a déclaré sans détour, le 22 mai, que « l’Église arménienne représente une grave menace pour tous les pays voisins de l’Arménie dans la région ».
Arman Tatoyan
Selon lui, la récente condamnation à deux ans d’emprisonnement de l’archevêque Mikayel Ajapahyan, primat du diocèse de Shirak de la Sainte Église apostolique arménienne est le résultat de poursuites pénales manifestement discriminatoires, motivées par une directive politique et des calculs des autorités. Il s’agit, précise-t-il, d’une « manifestation flagrante de la campagne politique menée par les autorités contre l’Église arménienne, qui a violé la liberté constitutionnelle d’expression et de religion de l’archevêque Mikayel et a fait preuve d’une discrimination flagrante. Tout cela était nécessaire pour que les autorités discréditent l’Église et, ce faisant, créent un prétexte artificiel à la campagne politique lancée par le chef du gouvernement contre elle ».
Ces actions s’inscrivent dans un contexte plus large de pressions sur l’Église apostolique arménienne, qui est considérée comme la dernière institution nationale et spirituelle de l’Arménie. L’archevêque Mkrtitch Proshyan, plusieurs prêtres ont été arrêtés et font l’objet de poursuites pour leur participation supposée à des manifestations politiques en 2021. De même, la prolongation de la détention de l’homme d’affaires arméno-russe Samvel Karapetyan le 15 octobre dernier à Erevan, dans un climat politique tendu marqué par une nouvelle vague d’arrestations visant des prêtres de l’Église apostolique arménienne, symbolise la dérive autoritaire du gouvernement de Nikol Pashinyan et la « dynamique de terreur » qui s’installe dans le pays. Des avocats, des défenseurs des droits humains et des personnalités religieuses ont condamné ce qu’ils qualifient de campagne politique coordonnée contre l’Église, qui serait orchestrée par le Premier ministre, accusé de chercher à neutraliser une institution longtemps considérée comme l’un des derniers contrepoids symboliques à son autorité.
Le Catholicos Karékine II exhorte les fidèles à rester unis et à garder confiance en la justice divine pour la libération des prêtres emprisonnés et la préservation de l’intégrité de l’Église.
« Les prélats et Samvel Karapetyan ont été arrêtés sur la base d’une décision politique et de fausses accusations », dit-il. « Le pouvoir en place prend des mesures anti-Église, mais notre Église reste inébranlable et puissante. Restons forts ».
Karékine II
Le clergé en France de l’Église arménienne condamne ces mesures et appelle les fidèles à ne pas céder aux provocations. Le Saint-Siège qualifie ces actions de « campagne anti-ecclésiale organisée », soulignant que leur portée dépasse le cadre juridique et menace la coLe dithésion nationale ainsi que la stabilité spirituelle de la communauté arménienne.
Rappelons que le Catholicos est le patriarche suprême de tous les Arméniens, chef spirituel de l’Église apostolique arménienne en Arménie et dans la diaspora. En juin dernier, à la suite d’une suggestion du Catholicos de tous les Arméniens, le Conseil œcuménique des Églises a organisé en Suisse une conférence internationale intitulée « Liberté religieuse : préserver le patrimoine spirituel, culturel et historique arménien en Artsakh ». Lors de cette conférence, Sa Sainteté Karekin II avait déclaré que l’Azerbaïdjan, avec le soutien militaire de la Turquie, avait commis un crime en occupant de force et en dépeuplant l’Artsakh. Il occupe de vastes territoires d’une importance vitale à la frontière avec l’Arménie et formule de nouvelles exigences dans le cadre du processus de paix. Il a rappelé que l’Azerbaïdjan détient en otage les dirigeants politiques, les civils et les prisonniers de guerre de l’Artsakh et organise des procès-spectacles à leur encontre, en violation flagrante du droit international.
Selon plusieurs sources, cette position serait à l’origine des pressions exercées récemment sur l’Église par les autorités arméniennes, qui ont en fait pris le parti de l’Azerbaïdjan.



Source principale : abcmedia.am