Les prisonniers de guerre arméniens en Azerbaïdjan sont traités comme des pions politiques par les autorités de Bakou. L’événement, organisé par Christian Solidarity International au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, s’est déroulé dans un contexte où les appels à la libération immédiate des personnes détenues illégalement – dirigeants militaires et politiques du Haut-Karabagh, prisonniers de guerre et civils capturés – se multiplient.

Le sort des prisonniers de guerre et des otages arméniens reste sans réponse. Il n’y a pas de voie claire vers une solution. Il n’y en a pas, parce qu’ils se trouvent au centre d’un conflit géopolitique plus large et qu’ils sont entre les mains d’un État qui ne cherche pas à obtenir justice, mais à satisfaire ses intérêts politiques.
Qui plus est, le traitement des prisonniers de guerre arméniens en Azerbaïdjan est un symbole frappant de l’ampleur que peut prendre la manipulation politique dans un conflit.

« Il est difficile de parler des conditions de détention des prisonniers de guerre arméniens en Azerbaïdjan, car nous recevons des informations de sources limitées », a expliqué Arpi Avetisyan, avocate internationale, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, lors de la conférence « Droits de l’homme en Azerbaïdjan ».

Rappelons que le 18 mars, Christian Solidarity International (CSI) a organisé un événement parallèle mettant en lumière le sort des Arméniens injustement détenus par l’Azerbaïdjan. Organisée conjointement avec le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), cette discussion de défenseurs des droits de l’homme a souligné l’impératif d’une libération immédiate et inconditionnelle de ces prisonniers détenus illégalement – dirigeants militaires et politiques du Haut-Karabagh, prisonniers de guerre et civils arméniens capturés.

Parmi les intervenants figuraient Siranush Sahakyan, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et ayant représenté les familles des détenus devant la Cour européenne des droits de l’homme, et dirigeant principal d’ICLaw-Center Armenia ; Philippe Kalfayan, avocat et consultant en affaires publiques internationales, ancien secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et Arpi Avetisyan, avocat spécialisé dans les droits de l’homme et les litiges stratégiques. 

Lord David Alton a également apporté son soutien par un message vidéo, exhortant à la libération des 23 Arméniens actuellement détenus par l’Azerbaïdjan. Ce discours poignant prononcé aux Nations Unies a servi d’appel à la communauté internationale, enforçant l’urgence d’une pression diplomatique soutenue pour rectifier cette erreur judiciaire flagrante. L’enregistrement complet de l’événement est disponible en ligne .

Au cours de la discussion sur le thème « Procès et détention des Arméniens de souche », Arpi Avetisyan a déclaré qu’aucun organisme indépendant n’avait eu l’occasion de rendre visite aux prisonniers arméniens et de se familiariser avec leurs conditions de détention. L’image que nous avons est basée sur les informations du Comité international de la Croix-Rouge. L’autre source d’information disponible est constituée par les familles des prisonniers : « Par exemple, si nous regardons les conditions de détention de Ruben Vardanyan, alors qu’il était en grève de la faim, selon les informations fournies par les membres de sa famille, il a été maintenu à l’isolement, aucun examen médical n’a été effectué et son état de santé s’est détérioré. Les photos diffusées témoignent des tortures qui lui ont été infligées. Les autorités azerbaïdjanaises affirment que le défenseur azerbaïdjanais des droits de l’homme a rendu visite aux prisonniers arméniens, mais nous savons qu’il ne peut être considéré comme un organisme indépendant dont les informations sont dignes de confiance. La visite du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe a été refusée, ce qui est inquiétant.»

Philippe Kalfayan a souligné le pur simulacre de justice qui se manifeste dans les circonstances actuelles. « Ces hommes étaient autrefois assis à la table des négociations et faisaient partie intégrante d’un processus diplomatique sanctionné par la communauté internationale. Et maintenant, ils sont accusés de terrorisme », a-t-il fait remarquer. Il a affirmé que leur seule transgression était d’avoir incarné l’esprit de résistance, en cherchant à maintenir l’existence de la République du Haut-Karabagh.

En septembre 2023, l’Azerbaïdjan a lancé une invasion militaire à grande échelle qui a abouti à l’expulsion massive de la population chrétienne arménienne du Haut-Karabagh, mettant fin à une campagne de nettoyage ethnique de trois ans. Cette période a été marquée par deux grandes offensives militaires et un blocus brutal de neuf mois qui a privé les habitants de denrées alimentaires de base et de médicaments.

L’Azerbaïdjan a reconnu la détention de 23 Arméniens arrêtés au cours de cette opération, dont Ruben Vardanyan, philanthrope bien connu et ancien ministre du Haut-Karabagh. Il est alarmant de constater que quelque 80 autres personnes, vues pour la dernière fois sous la garde de l’Azerbaïdjan, sont aujourd’hui considérées comme disparues de force.

Sur les 23 détenus connus, 16 font actuellement l’objet de procédures judiciaires en Azerbaïdjan. Siranush Sahakyan a élucidé les multiples violations des droits de la défense dans ces procès, affirmant que le système judiciaire azerbaïdjanais est largement considéré comme l’un des plus compromis et des plus serviles au monde.

« L’on ne saurait imaginer un scénario dans lequel un juge azerbaïdjanais vivant dans un environnement où le sentiment anti-arménien est bien ancré, pourrait rendre une justice impartiale », a-t-elle déclaré .

Arpi Avetisyan a également dénoncé la manœuvre cynique de l’Azerbaïdjan consistant à lier le sort de ces prisonniers aux concessions politiques demandées par la République d’Arménie dans le cadre des pourparlers de paix en cours. « En fait, ils sont tous des otages », a-t-elle déclaré.

Arpi Avetisyan a déclaré que les prisonniers arméniens étaient des prisonniers politiques utilisés par les autorités de Bakou. « Malheureusement, nous constatons que les négociations traînent en longueur et qu’aucune solution n’a été trouvée. Ces personnes sont des instruments aux mains des autorités de Bakou. »

L’événement organisé par le CSI à l’ONU à Genève s’est déroulé dans un contexte où les appels à la libération immédiate des personnes détenues illégalement se multiplient. Le 3 mars, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré sans équivoque que « toutes les personnes détenues arbitrairement en Azerbaïdjan, y compris les Arméniens de souche, doivent être libérées immédiatement et leur droit fondamental à un procès équitable doit être scrupuleusement respecté. »

Dans le cadre d’une ouverture diplomatique importante, Michael Waltz, conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, a révélé qu’il avait directement fait comprendre à Hikmet Hajiyev, un haut fonctionnaire azerbaïdjanais, la nécessité de libérer les captifs.

En dépit des appels de plus en plus pressants de la communauté internationale en faveur des Arméniens de l’Artsakh, les autorités azerbaïdjanaises considèrent, pour leur part, que la question est résolue ; du point de vue des autorités azerbaïdjanaises, le fonctionnement d’une antenne locale du Comité de la Croix-Rouge n’est même point nécessaire. Le gouvernement azerbaïdjanais considère que les raisons qui obligeaient auparavant le CICR à opérer directement en Azerbaïdjan n’existent plus. L’agence de presse azerbaïdjanaise ARA rappelle qu’il y a eu par le passé certains problèmes entre l’Azerbaïdjan et le Comité international de la Croix-Rouge. Ainsi, au début des années 2020, le CICR a ouvert un bureau à Stepanakert, la capitale de la République non reconnue du Haut-Karabagh (Artsakh), sans en avertir les autorités azerbaïdjanaises. Bakou a également accusé l’organisation humanitaire de faire de la contrebande et d’utiliser des ambulances destinées à l’évacuation de personnes pour transporter des marchandises de contrebande. Une fois par mois, les collaborateurs du CICR rendent visite aux captifs, communiquent avec eux et leur donnent la possibilité de contacter leur famille.

En ce qui concerne les Nations unies, Bakou reconsidère les priorités de la coopération avec l’organisation en tenant compte des nouvelles réalités, a récemment déclaré le ministre des Affaires étrangères Ceyhun Bayramov. Ces réalités, il les appelle la victoire dans la deuxième guerre du Karabagh avec l’Arménie en 2020 et le fait que le pays peut maintenant se prendre en charge et même être un donateur. « Le partenariat avec certaines agences des Nations unies se poursuivra par le biais du mécanisme de coopération de projets conformément aux priorités nationales », a précisé Bayramov. Ensuite, citant leurs propres sources, un certain nombre de médias azerbaïdjanais ont rapporté que le Bakou voulait fermer quatre bureaux de l’ONU en Azerbaïdjan : le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF).

Auparavant, les autorités avaient empêché la BBC et d’autres médias étrangers d’opérer sur leur territoire. La résolution 2020 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a qualifié l’Azerbaïdjan de « l’un des pays les plus hostiles pour les journalistes ». Cela s’est produit trois ans avant les arrestations massives de journalistes et la fermeture de rédactions entières en Azerbaïdjan, et en 2024, l’Assemblée a suspendu les travaux de la délégation azerbaïdjanaise pour violation des droits de l’homme. Cependant, les propagandistes azerbaïdjanais ne pouvaient que s’en réjouir, annonçant que le pays serait désormais en mesure de mener une politique plus indépendante.

Alors que des prisonniers de guerre sont soumis à des tortures inimaginables, la communauté internationale ne doit pas perdre de vue qu’il s’agit de l’utilisation de la vie humaine comme instrument de la politique d’un État. Il s’agit non seulement d’un outrage moral, mais aussi d’une violation flagrante du droit international et des principes de la dignité humaine. La question se pose donc de savoir s’il est possible d’obtenir justice pour les dirigeants politico-militaires de l’Artsakh, les prisonniers de guerre arméniens et les civils capturés, et dans quelle mesure la communauté internationale sera prête à tenir l’Azerbaïdjan pour responsable de ses actes.

La vidéo complète de la conférence-débat du 18 mars à Genève sur « Дes droits de l’homme en Azerbaïdjan » au Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Source principale : csi-int.org