En matière de défense, la mise en place d’une mission militaire auprès de l’ambassade de France en Arménie devrait permettre d’approfondir la coopération bilatérale dans ce domaine fondamental, selon Mme Colonna. De plus, Catherine Colonna dit que la France espère que des négociations s’ouvriront entre les représentants du Haut-Karabagh et les autorités azéries.

Une mission militaire a été mise en place à l’ambassade de France en Arménie, a déclaré Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, selon aysor.am.

« En matière de défense, l’installation d’une mission militaire auprès de l’ambassade de France en Arménie devrait permettre d’approfondir notre coopération bilatérale dans ce domaine fondamental », a déclaré Mme Colonna dans une interview accordée à Shant Khlghatyan d’armenpress.am.

Ainsi, Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, juge inacceptable que l’Azerbaïdjan entrave la circulation dans le corridor de Latchine, soulignant que cela risque de provoquer une grave crise économique et humanitaire pour la population du Haut-Karabagh. La ministre française des Affaires étrangères a souligné qu’un tel comportement de l’Azerbaïdjan constituait également un obstacle aux pourparlers de paix avec l’Arménie. Elle a également exprimé son inquiétude quant à l’installation par l’Azerbaïdjan d’un point de contrôle dans le corridor de Lachine.

Le ministre français des Affaires étrangères a également souligné que la France soutiendra toute solution qui permettra à la population arménienne du Haut-Karabagh de vivre en sécurité, en préservant son histoire, son patrimoine et sa culture. Catherine Colonna a également évoqué les relations arméno-françaises et a adressé son message à l’occasion de l’anniversaire du Génocide arménien.

Armenpress : Madame la Ministre, cela fait maintenant quatre mois que l’Azerbaïdjan bloque le Haut-Karabagh, ce qui a pour conséquence que la population du Haut-Karabagh se trouve au bord d’une catastrophe humanitaire. La communauté internationale, dont la France, a jugé inacceptable le blocage du corridor de Latchine et a appelé l’Azerbaïdjan à assurer la libre circulation des personnes et des véhicules à travers le corridor de Latchine. Récemment, la Cour internationale de justice a contraint l’Azerbaïdjan à ouvrir immédiatement le corridor et à assurer la libre circulation, mais l’Azerbaïdjan continue de maintenir le corridor fermé, ignorant tous les appels de la communauté internationale et la décision de la Cour internationale de justice. Ne pensez-vous pas qu’il est temps pour la communauté internationale de passer des paroles aux actes et de prendre des mesures claires pour que l’Azerbaïdjan mette fin à son blocus du Haut-Karabagh ? Quelles mesures la France est-elle prête à prendre dans ce sens, envisagez-vous l’option d’imposer des sanctions à l’Azerbaïdjan ? Étant donné que l’Azerbaïdjan n’arrête pas non plus ses actions agressives contre l’Arménie, quelles mesures pratiques l’UE et la France sont-elles prêtes à prendre pour mettre en œuvre la décision proposée de stationner des troupes à une distance de sécurité le long de la frontière de 1991 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ?

Catherine Colonna : L’obstruction du corridor de Latchine depuis le 12 décembre est inacceptable. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de rappeler la position de la France à cet égard. Cette situation est inacceptable parce qu’elle fait peser de graves risques de crise économique et humanitaire sur la population du Haut-Karabagh. Elle empêche également la poursuite des pourparlers de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, auxquels le Premier ministre Pashinyan est fermement attaché, et menace gravement la stabilité d’une région déjà profondément affectée par le contexte géopolitique actuel.

Nous devons évaluer ensemble les conséquences de l’agression russe contre l’Ukraine. Ce que nous vivons aujourd’hui, c’est le retour de la guerre sur notre continent. Mais surtout, il s’agit d’une tentative consciente de remettre en cause les principes fondamentaux de l’ordre juridique international en le remplaçant par le droit de la force. Il s’agit d’un moment décisif qui devrait permettre à chacun de prendre conscience de sa responsabilité et de réaliser que la paix est notre plus grande valeur.

Il y a quelques semaines, la Cour internationale de justice a rendu un arrêt provisoire exigeant que Bakou prenne toutes les mesures relevant de sa compétence pour garantir une circulation sans entrave dans le corridor. Cette décision est contraignante pour tous et doit être respectée. La décision de l’Azerbaïdjan d’installer un point de contrôle à l’entrée du corridor de Latchine est très inquiétante à cet égard, comme l’ont également noté l’Union européenne et les États-Unis.

La France souhaite que tous les différends soient résolus exclusivement par la négociation. C’est le cœur de l’engagement de la France, avec celui de l’Union européenne. Et c’est pour faire entendre cet appel à la responsabilité, à la reprise des négociations et au respect du droit que je me rends cette semaine en Azerbaïdjan et en Arménie.

Armenpress : Le président de l’Azerbaïdjan insiste sur le fait que le problème du Haut-Karabagh est une question interne pour lui et qu’il n’en discutera avec personne, tandis que la partie arménienne, dans le contexte de la résolution des relations avec l’Azerbaïdjan, met également en avant la création d’un mécanisme de dialogue international entre Bakou et le Haut-Karabagh, ainsi que la question des garanties internationales pour la sécurité et les droits de la population du Haut-Karabagh. Quelle est la position de la France sur cette question, y compris en tant que co-présidente du groupe de Minsk de l’OSCE ?

Catherine Colonna : Nous souhaitons que des négociations s’ouvrent entre les représentants du Haut-Karabagh et les autorités azéries, soutenues par la communauté internationale, sur le contenu des droits et garanties de la population. Cela signifie que des conditions favorables doivent être créées pour ces négociations, y compris le rétablissement de la libre circulation dans le corridor de Latchine.

La France soutiendra toute solution permettant à la population arménienne du Haut-Karabagh de continuer à y vivre en toute sécurité, en préservant son histoire, son patrimoine et sa culture. C’est leur droit inviolable.

Armenpress : J’aimerais m’attarder sur le niveau actuel des relations arméno-françaises. Comment évaluez-vous la coopération entre l’Arménie et la France dans différents domaines et dans quels domaines voyez-vous un potentiel d’approfondissement de la coopération ?

Catherine Colonna : La relation entre nos deux pays est exceptionnelle et a été façonnée par une histoire commune, qui a connu des moments heureux et particulièrement douloureux. Aujourd’hui, ces relations se développent tant entre les gouvernements des deux pays qu’entre les sociétés civiles. La France soutient fortement les efforts du gouvernement de M. Pashinyan pour renforcer la démocratie et l’État de droit en Arménie et pour développer l’économie du pays. Le choix courageux d’un modèle démocratique par l’Arménie doit être soutenu, ce à quoi nous sommes attachés avec les autres membres de la communauté internationale et de l’Union européenne.

Nous avons également signé une ambitieuse feuille de route de coopération économique en décembre 2021, et avons récemment organisé le forum Aspirations : France-Arménie à Paris et ouvert un bureau de l’Agence française de développement à Erevan (AFR). Celle-ci mène un dialogue efficace avec les autorités arméniennes pour mettre en œuvre de nouveaux projets, notamment dans les domaines des ressources en eau et de l’énergie durable. Le commerce bilatéral a augmenté de manière significative au cours de l’année écoulée.

Nous avons également signé une ambitieuse feuille de route de coopération économique en décembre 2021, et avons récemment organisé le forum Aspirations : France-Arménie à Paris et ouvert un bureau de l’Agence française de développement à Erevan (AFR). Celle-ci mène un dialogue efficace avec les autorités arméniennes pour mettre en œuvre de nouveaux projets, notamment dans les domaines des ressources en eau et de l’énergie durable. Le commerce bilatéral a augmenté de manière significative au cours de l’année écoulée.

L’année dernière, nos échanges bilatéraux ont augmenté de manière significative et nous nous efforçons de faire en sorte que cette tendance se poursuive, notamment en soutenant les entreprises françaises désireuses d’investir en Arménie, telles que Veolia, Pernod Ricard, Carrefour et Amundi-Acba.

En matière de défense, l’installation d’une mission militaire auprès de l’ambassade de France en Arménie devrait permettre d’approfondir notre coopération bilatérale dans ce domaine clé.

Enfin, dans le domaine de la coopération culturelle et éducative, nous souhaitons nous appuyer sur le formidable succès de l’Université française d’Arménie et nous ouvrons un Institut français en Arménie, qui nous permettra de créer un programme culturel riche en proposant des cours de français pour tous les niveaux. Je tiens également à souligner le développement de notre remarquable coopération dans les domaines de la francophonie, de la science, de la culture, des sports et du patrimoine, qui témoigne du dynamisme exceptionnel des relations entre la France et l’Arménie, auquel je suis profondément attaché.

Armenpress : Madame la Ministre, je voudrais aborder une question importante pour le peuple arménien, voire pour l’ensemble de l’humanité. Dans quelques jours, ce sera le 108e anniversaire du Génocide arménien. En tant que ministre des Affaires étrangères d’un pays qui a reconnu et condamné le Génocide, quel est votre message au monde, et en particulier à la Turquie, pour que de tels crimes contre l’humanité ne se répètent pas à l’avenir ?

Catherine Colonna : Le 24 avril, comme chaque année, nous avons rendu hommage aux victimes du Génocide arménien de 1915, dont la France a officiellement reconnu la loi le 29 janvier 2001. Cet hommage a pris une grande solennité, puisqu’il a été ajouté à la liste des commémorations de la République par le Président de la République en 2019.

Cette commémoration a une résonance particulière car de nombreux Français sont des descendants de rescapés du Génocide qui ont été accueillis par la France. Mais la mémoire du Génocide est aussi un message à l’humanité pour que ces terribles événements ne se reproduisent pas dans une période aussi troublée où, malheureusement, les conflits se multiplient et où de nombreuses minorités sont en danger.

Quant à la Turquie, il convient de noter que le Génocide arménien y est également commémoré à l’initiative d’organisations courageuses de la société civile, et que des universitaires et des historiens turcs travaillent sur le sujet. Nous devons continuer à soutenir les efforts déployés dans le monde entier, tant par les acteurs institutionnels que par les représentants de la société civile, pour lutter contre la négation des génocides et donner un sens aux terribles leçons de l’histoire. Nous sommes les seuls à pouvoir préserver la capacité des peuples à vivre ensemble, qui est menacée.

Source principale : armenpress.am