Par votre comportement, vous avez définitivement discrédité la démocratie, l’état de droit, les droits de l’Homme, que vous qualifiez de valeurs occidentales : désormais, quel que soit le gouvernement qui viendra en Arménie, vous n’aurez pas le droit de le critiquer et d’exiger de lui qu’il respecte la démocratie.

Lettre ouverte aux ambassadeurs accrédités en Arménie :

au chef de la Délégation de l’Union européenne en Arménie, S.E. M. Vassilis Maragos

au chef du Bureau du Conseil de l’Europe à Erevan, S.E. Mme Martina Schmidt

à l’ambassadeur des États-Unis en Arménie, S.E. Mme Kristina Kvien

à l’ambassadeur de France en Arménie, S.E. M. Olivier Decottignies

à l’ambassadeur du Royaume-Uni en Arménie, S.E. M. John Gallagher

à l’ambassadeur d’Italie en Arménie, S.E. M. Alfonso di Riso

à l’ambassadeur de Pologne en Arménie, S.E. M. Piotr Skwieciński

à l’ambassadeur de la République tchèque en Arménie, S.E. M. Petr Pirunčík

à l’ambassadeur du Royaume des Pays-Bas en Arménie, S.E. M. Jaap Frederiks

à l’ambassadeur du Royaume de Suède en Arménie, S.E. M. Patrik Svensson

à l’ambassadeur de Lithuanie en Arménie, S.E. M. Andrius Pulokas

à l’ambassadeur de Bulgarie en Arménie, S.E. M. Kalin Vasilev Anastasov

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Je m’adresse à vous en tant que président du « Comité Helsinki d’Arménie », une ONG de défense des droits de l’Homme qui a par le passé étroitement coopéré avec nombre d’entre vous. Nous avons coopéré efficacement en mettant en œuvre des programmes de protection des droits de l’Homme, notamment avec la délégation de l’UE en Arménie, le bureau du Conseil de l’Europe à Erevan, les ambassades des États-Unis et de la République tchèque. En 2010, j’ai été invité par l’UE en Jordanie pour y présenter nos programmes conjoints, que l’UE considérait comme particulièrement réussis. Dans le cadre d’un autre programme de l’UE, j’ai été sélectionné comme expert en droits de l’Homme. À la demande de l’UE, j’ai été sélectionné comme expert pour l’évaluation des systèmes judiciaires des États membres du partenariat oriental, dans le cadre d’un programme mis en œuvre par le Conseil de l’Europe. J’ai entretenu des relations personnelles fondées sur la confiance mutuelle avec de nombreux anciens ambassadeurs et membres du personnel des ambassades de l’UE, des États-Unis, de l’Allemagne, de la Pologne, de la République tchèque, du Royaume-Uni et d’Italie. J’étais régulièrement invité à rencontrer les délégations de l’UE et du Conseil de l’Europe qui se rendaient en Arménie, afin de leur présenter mon opinion sur la démocratie, le système judiciaire et la situation des droits de l’Homme dans ce pays.

Tout cela a duré jusqu’en 2019. En 2019, lors d’une réunion avec la délégation de l’UE en visite en Arménie, j’ai fait part de mes préoccupations quant aux actions anticonstitutionnelles et illégales entreprises par le nouveau gouvernement à l’encontre du système judiciaire et de la Cour constitutionnelle. Et que s’est-il passé ? De manière surprenante, le chef de la délégation a répliqué qu’il faisait confiance au nouveau gouvernement. Je suis resté perplexe et j’ai demandé ce qu’il fallait comprendre par « faire confiance » : seriez-vous en faveur des actions illégales ? Ce fut ma dernière rencontre avec les délégations de l’UE et du Conseil de l’Europe se rendant en Arménie.

Je connais Andrea Wictorin, l’ancienne ambassadrice de l’UE, depuis qu’elle était ambassadrice de la République fédérale d’Allemagne en Arménie. À l’époque, elle m’invitait souvent pour discuter de la démocratie en Arménie. En 2019, à ma demande, nous nous sommes rencontrés au bureau de l’UE. Lors de cette réunion, j’ai présenté en détail, faits à l’appui, les méthodes illégales utilisées pour détruire le système judiciaire et la Cour suprême.

Comme exemples de destruction du système judiciaire, j’ai cité les fuites de conversations téléphoniques entre le Premier ministre, le chef du comité d’enquête spécial et le chef du service de sécurité nationale, ainsi que le siège des tribunaux organisé par le pouvoir. En ce qui concerne la Cour constitutionnelle, j’ai évoqué l’adoption de lois anticonstitutionnelles, les pressions politico-judiciaires exercées sur le président de la Cour constitutionnelle et ses proches. Comment pensez-vous que Mme l’ambassadrice de l’UE a réagi ? Elle a répondu que, conformément à la constitution, les membres de la Cour constitutionnelle étaient nommés par le président de la République, le gouvernement et l’union des magistrats. C’est ainsi que s’est achevée notre ultime et très instructive conversation.

Après une longue attente, j’ai décidé d’exprimer dans cette lettre ouverte mes doutes face à votre comportement à tous. Je veux parler des violations constantes des droits de l’Homme en Arménie que vous passez sous silence.

Dans ce qui suit, je me suis appuyé sur les articles de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Article 2. Droit à la vie
En Arménie, le droit à la vie a été menacé au cours des cinq dernières années :

  • En 2019, dans la ville de Yeghegnadzor, en présence du gouverneur régional et probablement sur ses instructions, un militaire contractuel, le lieutenant-colonel Ara Mkhitaryan, a été brutalement battu. Il est décédé après quatre années passées dans le coma. Et le gouverneur responsable de tout cela est aujourd’hui un député de la faction au pouvoir du Contrat civil ;
  • En 2022, Armen Grigoryan, un militant associatif et participant actif aux manifestations de l’opposition, qui avait de graves problèmes de santé, a été placé en détention sur la base d’accusations sans fondement. Dans la salle d’audience, au cours du procès, Armen Grigoryan a fait un malaise cardiaque et est mort devant les caméras. Personne n’a eu à répondre de ce qui s’est passé ;
  • En 2022, un des véhicules du convoi accompagnant le Premier ministre a renversé Mme Sona Mnatsakanyan. Cette dernière est morte avec son enfant à naître. Personne n’a eu à répondre de ce qui s’est passé ;
  • En 2022, à Aparan, des partisans des autorités ont tué trois jeunes hommes avec des armes à feu. Personne n’a eu à répondre de ces actes ;
  • En 2023, dans des circonstances inconnues, 15 militaires ont été tués dans l’incendie d’un bâtiment d’une caserne. Si l’on exclut les milliers de victimes de la guerre, environ 100 militaires meurent chaque année dans des conditions pacifiques. Et comme dans tous les cas susmentionnés, personne n’a eu à répondre de ce qui s’est passé.

Article 3. Interdiction de la torture
Cet article est d’ailleurs l’un des seuls à définir un droit absolu.

Je ne présente ci-dessous que les cas survenus en 2023, année où pour la première fois dans l’histoire de l’Arménie, des avocats ont été victimes de violences dans les commissariats de police.

  • Le 12 janvier, dans le commissariat de police de Tcharentsavan, les agents du ministère de l’Intérieur ont battu Arman Khalapyan, qui avait été convoqué dans l’unité pour une affaire concernant son fils. Selon l’avocat Sassoun Rafaïelyan, son client a été battu en présence du commissaire Mher Minasyan, dans le bureau de ce dernier ;
  • Le 10 avril, Arsen Ghaitmazyan, chef du département des enquêtes criminelles de la police de Dilijan, a battu le mineur Araz Amiryan, un serveur du complexe hôtelier-restaurant « Haghartsin », ce qui a été enregistré par des caméras. Selon l’avocat du serveur, A․ Ghaitmazyan était sous l’influence de l’alcool et s’est plaint qu’on lui ait demandé de payer à l’avance la nuitée à l’hôtel. Ce n’est qu’après la diffusion de la vidéo du passage à tabac que des mesures d’enquête ont été prises à l’encontre d’Arsen Ghaitmazyan․ Néanmoins, même dans ce cas, A. Ghaitmazyan n’a pas été poursuivi en vertu d’un « remords actif » ;
  • Le 17 juin, après avoir effectué une perquisition à son domicile, les policiers ont emmené Tigrane Arakelyan, ancien membre du « Congrès national arménien », au commissariat et l’ont torturé. Selon son témoignage, Azat Guevorgyan, chef du département d’enquête de la police, et Arguichti Kyaramyan, président du comité d’enquête de la RA ont participé à la séance de torture. Il a été battu, son corps mouillé a été exposé à des chocs électriques, et on a menacé de le défenestrer. Après quoi la police l’a forcé à changer ses vêtements tachés de sang pour dissimuler l’incident. Selon T. Arakelyan, A. Kyaramyan a personnellement menacé sa famille, lui disant qu’il ne reverrait plus sa femme et son enfant et qu’il ferait disparaître sa famille. Le comité d’enquête s’est empressé de réfuter ces informations, déclarant que T. Arakelyan était accusé « d’extorsion et d’aide à la publication d’informations malveillantes sur des fonctionnaires », sans préciser de qui il s’agissait ;
  • Le 9 février, les avocats Marzpet Avagyan et Emmanuel Ananyan ont été battus dans le commissariat de police d’Erebouni à Erevan. Selon ces derniers, au cours de la confrontation d’un accusé mineur, une dispute a éclaté avec l’inspecteur qui le confrontait et des insultes ont été proférées. Dans le couloir, M. Avagyan a demandé des explications à l’inspecteur, mais les policiers lui ont tordu le bras et l’ont frappé, ainsi que E. Avagyan. L’incident s’est arrêté après l’intervention d’autres enquêteurs qui se trouvaient dans le même bâtiment. L’accusé mineur a expliqué avoir été au préalable battu par un groupe de policiers du commissariat d’Erebouni, qui lui avaient couvert la tête avec des vêtements et fait pression sur sa tête avec leurs pieds ;
  • Le 7 juin, l’avocat Karen Alaverdyan a été victime de violences dans le commissariat du quartier Kentron d’Erevan. Selon K. Alaverdyan, après la séance du tribunal, plus de 20 officiers de police de différents départements d’Erevan et du service de patrouille se sont approchés de lui et de son client dans la rue, les invitant à se rendre au poste de police. Son client a accepté et a été emmené au commissariat du quartier Kentron dans une voiture de patrouille. K. Alaverdyan les a suivis, mais n’a pas été autorisé à entrer pendant 5 à 10 minutes. Lorsque l’avocat a finalement réussi à s’approcher de son client, il l’a entendu crier derrière la porte, demandant à ne pas être frappé. En entrant dans le bureau, K. Alaverdyan a vu son client menotté au sol et battu par cinq ou six policiers. L’avocat a tenté d’intervenir et de s’interposer entre son client et les policiers en leur demandant de mettre fin à la violence. Les policiers ont éloigné l’avocat par la force, l’ont enchaîné et ont utilisé des gaz lacrymogènes. K. Alaverdyan a été arrêté et gardé à vue pendant six heures sans en informer le président de l’ordre des avocats, ainsi que la loi l’exige explicitement. Quant à l’accusé, il a subi de nombreuses blessures, son tympan a été endommagé, il a souffert de brûlures de cigarettes au visage.

Article 5. Droit à la liberté et à la sûreté
Cet article a été et est largement violé. De nouveaux tribunaux illégaux ont été créés en Arménie, les soi-disant tribunaux « préliminaires » et « anti-corruption », où ont été nommés des juges dévoués au Premier ministre et n’ayant reçu aucune véritable formation juridique. Il faut également signaler que la loi place le comité d’enquête sous le contrôle direct du Premier ministre en tant qu’organe gouvernemental auxiliaire. Le procureur général est un ancien conseiller du Premier ministre qui, en tant que conseiller, dirigeait les enquêteurs sur les instructions de ce même Premier ministre. Ces organes, sur les instructions du Premier ministre, montent à présent des dossiers criminels contre les personnalités de l’opposition et les juges nommés délivrent des mandats d’arrêt. Ces arrestations et détentions illégales se comptent par centaines. Par exemple, les candidats qui ont battu le pouvoir en place lors des élections locales sont arrêtés et détenus, comme cela s’est produit à Vanadzor, Vardenis et Goris.

Article 6. Droit à un procès équitable
En 2018, des conversations téléphoniques entre le Premier ministre et le chef du Service de sécurité nationale ont été rendues publiques, dans lesquelles le Premier ministre donnait des instructions claires sur les détentions dans les affaires pénales qu’il avait ordonnées et initiées.

En 2019, la libération du deuxième président de la RA, Robert Kocharyan, par le juge Davit Grigoryan, a été suivie par l’ordre du Premier ministre de bloquer les palais de justice. Peu après, de fausses accusations ont été portées contre le juge Davit Grigoryan.

En 2022, une conversation entre le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Gagik Jhanguiryan, et l’ancien président du CSM, Rouben Vardazaryan, a été rendue publique. Gagik Jhanguiryan y révélait clairement que l’ouverture de procédures pénales résultait d’un ordre reçu.

Ensuite, Karen Andreassyan, ministre de la Justice et membre du parti au pouvoir Contrat civil, a été nommé président du CSM. Son adjoint, Grigor Minassyan, a été nommé ministre de la Justice. Ils continuent à coopérer étroitement, en appliquant les instructions du Premier ministre. Le ministre de la Justice engage des procédures disciplinaires contre les juges désobéissants devant la Cour suprême, et la Cour suprême suspend les juges en question.

Depuis 2018, des centaines d’accusations criminelles ont été portées contre des personnalités de l’opposition, beaucoup d’entre elles ont passé des mois en détention, tous les délais raisonnables se sont écoulés sans verdict du tribunal.

Actuellement, il y a plus de cinquante prisonniers politiques dans les prisons d’Arménie.

Article 7. Pas de peine sans loi
Des lois contraires au droit international ont été adoptées en Arménie, comme celle sur les insultes graves, pour laquelle de nombreux opposants ont été jugés. En 2022, un amendement a été adopté à la loi sur les rassemblements pacifiques, qui est en contradiction avec le droit international. En vertu de cette loi modifiée, l’opposant Avetik Chalabyan a été arrêté et emprisonné.

Article 8. Droit au respect de la vie privée et familiale
Il existe de nombreux cas où la police et le service de sécurité nationale se sont introduits dans les appartements des citoyens sans ordonnance du tribunal. Afin de faire pression sur les fonctionnaires indésirables pour le pouvoir, des accusations criminelles sont portées contre leurs proches, par exemple, contre les proches de l’ancien président du Conseil constitutionnel Hraïr Thovmassyan, ainsi que contre l’épouse de l’ancien président du Conseil supérieur de la magistrature Rouben Vardazaryan.

Article 10. Liberté d’expression
Entre 2018 et 2023, on recense de nombreux cas de pressions et de violences exercées contre des journalistes, tant par la police que par des membres du parti au pouvoir – le Parti du Contrat civil – sans que personne ne soit tenu responsable. Des citoyens et des personnalités de l’opposition sont détenus pour s’être exprimés sur les réseaux sociaux.

Article 11. Liberté de réunion et d’association
On peut dire que ces dernières années en Arménie, le droit à la liberté de réunion a été violé de manière évidente. Lors de rassemblements pacifiques, diverses unités de police, souvent sans insignes personnels, font usage d’une force et d’une violence déraisonnables à l’encontre des participants aux rassemblements. En 2021-2023, plus d’une dizaine de cas de passage à tabac de groupes par la police devant les caméras ont été enregistrés. Des centaines de manifestants pacifiques ont été arrêtés et nombre d’entre eux ont été placés en détention. En règle générale, les poursuites sont engagées sur la seule base du témoignage des policiers.

Article 13. Droit à un recours effectif
Ce droit, dans le système juridique actuel de l’Arménie, ne peut en aucun cas être effectif.

Article 14. Interdiction de discrimination
En Arménie, c’est le principe d’un certain Benito Mussolini qui fonctionne : « Tout pour mes amis, mais pour mes ennemis, la loi ».

J’ai évoqué plus haut les crimes commis par les représentants du gouvernement et leur impunité.

Limitons-nous à cela et ne donnons pas d’autres exemples de la corruption qui a atteint des proportions sans précédent en Arménie.

Quelle est donc la raison pour laquelle, contrairement à 2018, vous ne remarquez et ne critiquez plus les violations généralisées des droits de l’Homme ?

Bien entendu, je ne suis pas naïf au point de ne pas comprendre que vous n’êtes pas indépendants, mais que vous représentez les intérêts des pays et des Unions qui vous missionnent. Et, bien sûr, les intérêts géopolitiques de vos pays coïncident aujourd’hui avec la politique menée par le gouvernement arménien, y compris le dépeuplement de l’Artsakh et sa livraison à l’Azerbaïdjan. La preuve c’est l’accueil enthousiaste réservé par Charles Michel et par les dirigeants de vos pays respectifs à Prague en 2022 lorsque le Premier ministre arménien a renoncé à l’Artsakh et a trahi les intérêts du peuple arménien. C’est la raison pour laquelle, malgré les violations croissantes des droits de l’Homme en Arménie, non seulement vous ne remarquez rien, mais vous coopérez étroitement avec divers ministères arméniens. Les ambassadeurs des États-Unis, de l’Union européenne, de la République tchèque et de la Suède rencontrent le ministre de l’Intérieur qui a des tendances sadiques et discutent des questions de coopération future. En d’autres termes, vous êtes prêts à financer le ministère de l’Intérieur et à coopérer pour de futures tortures, violences et passages à tabac de manifestants pacifiques. En outre, nombre d’entre vous discutent de réunions similaires et de questions de coopération avec les auteurs de la destruction des tribunaux : le ministre de la Justice et le président du Conseil supérieur de la magistrature.

Comme je l’ai dit, je comprends les intérêts géopolitiques de vos pays. Mais, pardonnez-moi… faut-il que ce soit au point d’abandonner les valeurs de démocratie, d’état de droit, de droits de l’Homme que vous avez-vous-même érigées en norme ? Dans les faits, vous et les dirigeants des pays que vous représentez ne faites que prétendre adhérer à ces valeurs, car vous ne critiquez même pas légèrement les tendances dictatoriales du Premier ministre arménien. De plus, lors de chaque rencontre avec lui, vous vous inclinez devant lui et, avec un sourire, vous lui promettez davantage de soutien financier et moral.

  • լ Récemment, à Strasbourg, au Parlement européen, les députés représentant vos pays ont ovationné le dictateur-Premier ministre arménien qui répétait inlassablement le mot « démocratie ». Oui, c’est la démocratie quand un haut fonctionnaire crache au visage d’un citoyen. C’est la démocratie quand le Premier ministre menace l’opposition avec un marteau ou promet de lui faire « manger du bitume » pendant la campagne électorale. Tous ceux qui l’acclament savent bien que le Premier ministre est loin des valeurs démocratiques, mais… ils se moquent cyniquement du peuple arménien. Et qu’en est-il de vos valeurs occidentales ? C’est vous et vos gouvernements qui discréditez ces valeurs, comme au Moyen-Âge vous avez discrédité le christianisme avec l’inquisition, la chasse aux sorcières et les croisades.

La seule chose que vous puissiez me rétorquer, cela pourrait être ce qui suit : dans ce cas, comment nous, le peuple arménien, tolérons-nous un tel gouvernement et pourquoi l’avons-nous réélu en 2021 ? Pour ce qui est des élections de 2021 : connaissez-vous un pays non démocratique où le gouvernement change suite à des élections ? Ce n’est certainement pas le cas de votre proche allié, l’Azerbaïdjan. Sur la base de vos intérêts, vous et vos observateurs n’avez pas « remarqué » l’énorme détournement de ressources administratives, les poursuites pénales, le vote dirigé des militaires lors des élections de 2021, et vous avez considéré cette farce comme « juste et libre ». Cependant, je serai d’accord avec vous sur un point : avoir un tel dirigeant et continuer à le tolérer est avant tout une honte pour nous, le peuple arménien, et il n’est pas nécessaire de blâmer d’autres pays.

Pour terminer cette lettre ouverte, je veux dire que par votre comportement, vous avez définitivement discrédité la démocratie, l’état de droit, les droits de l’Homme, que vous qualifiez de valeurs occidentales : désormais, quel que soit le gouvernement qui viendra en Arménie, vous n’aurez pas le droit de le critiquer et d’exiger de lui qu’il respecte la démocratie.

Sans aucune attente de réponse,

Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, l’expression de mes sentiments respectueux,

Avetik Ishkhanyan

Président du Comité Helsinki d’Arménie

PS : La présente lettre ouverte, traduite de l’anglais, a été envoyée à tous les destinataires-ambassadeurs.

Vous trouverez ci-dessous les événements mentionnés dans la lettre :

Source principale : aravot.am