Le fils de Ruben Vardanyan, David Vardanyan, a récemment répondu aux questions de la station de radio arménienne AYPFM, diffusée en France. Voici une traduction complète de l’interview, avec certains passages abrégés pour des raisons de concision.
— Avant le début du procès, votre père, Ruben Vardanyan, a pris une initiative audacieuse en déclarant que ce procès était entièrement falsifié : il aurait reposé sur des documents falsifiés et des pressions pour faire signer des protocoles qui n’auraient aucun lien avec la réalité. En réalité, qu’attendre de cette procédure judiciaire ?
— Il est important de souligner que de nombreuses organisations internationales de premier plan, telles que Freedom House ou Médecins sans Frontières, ont classé l’Azerbaïdjan parmi les pays les moins libres du monde. Dès lors, nous n’avons pas d’illusions concernant ce qu’il convient d’appeler « ces procès ». Par exemple, mon père a reçu, la semaine dernière, un dossier de plus de 20 000 pages rédigé en azerbaïdjanais, avec seulement trois semaines pour le lire, en ayant à sa disposition un traducteur imposé par le gouvernement azerbaïdjanais. Je ne sais pas ce qu’il en est pour d’autres accusés, mais il est bien connu que le dossier de mon père est traité de manière séparée. Cependant, je suis convaincu que la situation est semblable pour d’autres personnes accusées. L’Azerbaïdjan n’est tout simplement pas un pays libre, même pour ses propres citoyens, et pour les Arméniens, il ne peut en aucun cas prétendre l’être.
— Malgré ces conditions, nous avons ressenti que votre père reste déterminé et veut défendre sa position, faire entendre au monde ce qui s’est réellement passé en Artsakh et défendre son peuple. Avez-vous l’impression qu’il entend utiliser ce procès comme une tribune pour ses déclarations ?
— En dépit des tortures et des menaces personnelles dont il a été l’objet à Bakou, mon père a clairement exprimé que la question des droits du peuple d’Artsakh était d’une importance capitale à ses yeux. Il reste fermement déterminé, inébranlable. Il affirme qu’en dépit des risques encourus, il veut dire la vérité. Lors de la première audience du procès, le 17 janvier, il a demandé au tribunal azerbaïdjanais de respecter une minute de silence pour honorer la mémoire des victimes du conflit, indépendamment de leur nationalité. En dépit de la situation, en dépit des injustices qu’il subit lui-même et que subissent d’autres Arméniens, mon père entend rappeler que notre seul choix est de vivre en paix, sans guerre, de mener des négociations et de chercher à nous comprendre mutuellement.
— Il est évident que ce procès sera biaisé, et il n’y a guère de doute sur l’issue du jugement, étant donné qu’il s’inscrit dans la logique d’une vengeance de l’Azerbaïdjan à l’encontre de l’Artsakh. Cependant, que peut-on attendre de la France ou de l’Europe, en termes de soutien pour la libération de ces prisonniers de guerre ?
— Vous avez raison d’observer que ce « procès » ne ressemble en rien à un véritable tribunal impartial, dans la mesure où il n’existe tout simplement pas de véritable système judiciaire en Azerbaïdjan. C’est pourquoi la seule forme de défense que peuvent espérer les prisonniers de guerre arméniens repose sur la réaction de la communauté internationale et l’action des gouvernements des démocraties.
Ainsi, mon père m’a indiqué que son avocat ne disposait pas des moyens nécessaires pour préparer une défense efficace. C’est pourquoi il est impératif de demander à l’Azerbaïdjan de garantir, si ce procès est réellement ouvert, que des journalistes français, anglais et américains puissent se rendre en Azerbaïdjan, assister aux audiences et témoigner de ce qui se passe réellement. En dépit de la promesse d’un « procès ouvert », il est à noter que seules les agences de presse azerbaïdjanaises y sont présentes.
Un autre pas décisif pourrait être d’encourager le gouvernement français à prendre la parole davantage sur cette injustice azerbaïdjanaise et à faire pression sur l’Union européenne afin qu’elle cesse toute forme de collaboration économique avec l’Azerbaïdjan. Ce n’est pas seulement un problème entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, mais un sujet de fond concernant la manière dont l’Azerbaïdjan traite ses propres citoyens. Actuellement, plus de 300 prisonniers politiques sont incarcérés en Azerbaïdjan, et si ce pays peut traiter ainsi les prisonniers de guerre arméniens, je suis persuadé qu’il commettra des actes similaires contre l’Arménie, contre ses propres citoyens, voire contre les touristes européens et français.
— L’Azerbaïdjan soutient que la France est déjà clairement du côté de l’Arménie. Mais, au-delà de la France, quels autres acteurs internationaux pourraient exercer une pression sur l’Azerbaïdjan et son président Ilham Aliyev ? Attendez-vous à un changement de position sous l’administration de Donald Trump, le nouveau président des États-Unis ? Pensez-vous qu’une intervention de sa part pourrait produire des résultats ?
— Nous avions nourri de grandes attentes envers l’ancien président des États-Unis à propos du Génocide arménien. Il avait formulé de nombreuses promesses, mais n’a guère agi sur le terrain. Ses paroles n’ont pas été suivies d’actes. Cependant, nous nourrissons de nouveaux espoirs sous l’administration du président Donald Trump. Ce dernier a exprimé sa volonté de défendre les droits des chrétiens en Artsakh, et nous avons constaté que certains de ses alliés, qui soutiennent l’Arménie et le peuple arménien, font désormais partie de cette nouvelle administration. Je sais que les droits de l’homme, et plus spécifiquement les droits des chrétiens, sont des priorités pour cette administration. C’est pourquoi nous espérons vivement que cette dernière et le président Trump pourront intervenir et contribuer à faire pression pour la libération des prisonniers de guerre arméniens.
— Si le verdict s’avère défavorable, bien que cela semble fortement probable, avez-vous envisagé de saisir des instances judiciaires internationales pour faire avancer la question de la libération de ces prisonniers de guerre au niveau des juridictions internationales ?
— Pour l’instant, je tiens à souligner que nous continuerons de nous battre pour que le gouvernement azerbaïdjanais respecte les droits des Arméniens. Cette lutte est essentielle, mais sans un soutien politique international fort, ces démarches ne pourront pas porter leurs fruits de manière efficace.
Source principale : pastinfo.am